jeudi 28 mai 2015

L'hommage à Eugène Alliot

Au moment où la République rendait un bel hommage à Pierre Brossolette, Geneviève de Gaulle Anthonioz, Germaine Tillion et Jean Zay, nous honorions la mémoire du résistant Eugène Alliot, notre ancien maire, député communiste, devant l'école qui porte son nom.
Jean-Michel Ruiz a également rendu hommage à Missak Manouchian et Joseph Epstein, qui se sont rencontrés à Mériel : il a notamment proposé qu'une rue du futur quartier de la gare porte leur nom.
Nous publions ci-après le texte de Jean-Michel, et le remercions pour ce juste moment de partage d'une mémoire qui ne doit exclure personne.





Mesdames, Messieurs, Chers amis,
Aujourd’hui, le président de la République a conduit au Panthéon les cendres de quatre superbes figures de la Résistance française. Ce choix serait parfait, si la grandeur des héros célébrés ne servait aussi à masquer l’incompréhensible absence de ceux qui seront oubliés.
La Résistance sauva l’honneur d’une France ternie par le choix de ceux qui, le 10 juillet 1940, voulurent en promouvant Philippe Pétain ajouter à l’amertume de la capitulation militaire l’opprobre du renoncement républicain. Ce fut alors une bien triste manifestation d’union nationale (569 députés et sénateurs sur 669) qui, quatre ans à peine après l’élection d’une majorité de Front populaire, mit fin à la République pour installer le régime collaborateur et dictatorial de « l’État français ».
Ce qui permit à la Résistance d’atténuer l’indélébile tache, ce furent trois aspects indissociables : le courage inouï de ses combattants, sa fibre sociale confortant l’élan patriotique (le programme du Conseil National de la Résistance) et l’unité de toutes les composantes résistantes. Alors que la résistance se déchirait en Pologne, en Grèce ou en Yougoslavie, elle resta unie en France, malgré les désaccords politiques et tactiques. L’aristocrate Philippe de Hautecloque dit "Leclerc" et le métallurgiste Henri Tanguy dit "Rol" combattirent sous le même uniforme. Avec Marie-Claude Vaillant-Couturier, 230 femmes résistantes, communistes et gaullistes indistinctement mêlées, franchirent les portes du camp de concentration de Birkenau en chantant la Marseillaise, le 23 janvier 1943.
Sans cette unité que rien ni personne ne put briser, la Résistance aurait-elle eu l’impact qui fut le sien, dans les combats de 1944 et dans la reconstruction qui les suivit ? On peut sans crainte répondre par la négative. Célébrer les quatre noms symboliques de l’union résistante est donc un devoir. Oublier ceux qui auraient dû être associés au convoi est une faute. Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle sont irréfutables, mais Danielle Casanova et Marie-Claude Vaillant Couturier ne l’auraient pas moins été. Certes Jean Zay et Pierre Brossolette méritent le respect, cependant Charles Debarge, Missak Manouchian ou Joseph Epstein ne méritent pas l’oubli.
En un jour de reconnaissance nationale, laisser de côté la mémoire communiste est proprement incompréhensible. Voilà désormais les communistes retirés de la grande photographie nationale, exclus à jamais du Panthéon républicain.
Faudra-t-il maintenant parler de la défaite militaire du nazisme sans Stalingrad, de la prise de Berlin sans Joukov, de la Yougoslavie libérée sans Tito, de la Libération française sans les FTP, de la reddition de Von Choltitz à Paris sans Maurice Kriegel-Valrimont et sans Henri Rol-Tanguy ? Évoquera-t-on la composition du CNR sans Pierre Villon et André Mercier, celle du Comité français de libération nationale sans François Billoux et Fernand Grenier ? Et pourquoi pas, si l’on y est, le Front Populaire sans Maurice Thorez, la Sécurité sociale sans Ambroise Croizat ?
Le PCF d’août 1944 est clandestin depuis sa dissolution par le gouvernement français, le 24 septembre 1939. Il a connu des hauts et des bas, harcelé par une répression féroce qui a décimé à plusieurs reprises ses militants et ses dirigeants. Mais il est le seul parti politique, déjà installé avant guerre, qui soit présent en tant que tel, sur tout le territoire métropolitain. Au moment où se déclenche l’insurrection parisienne, on estime que ses effectifs sont autour de 60 000, contre sans doute 5 000 au printemps et à l’été de 1940. Ses militants animent des comités populaires, sur les questions angoissantes de la vie quotidienne, participent à la reconstitution d’un mouvement syndical indépendant et sont pleinement engagés dans l’action armée directe contre l’occupant, par le biais des FTP, des Bataillons de la jeunesse, de la MOI, puis des FFI. Ils ont pour eux la force d’une idéologie et une cohérence à toute épreuve. Dans la nuit noire de l’Occupation, ils sont animés par la flamme de l’espérance, celle de la victoire militaire inéluctable, comme celle de la régénération sociale qui sortira du conflit. Communistes et Gaullistes ont la volonté partagée de tout faire pour la victoire. L’esprit d’indépendance manifeste du Général et le réalisme communiste ont permis un rapprochement qui a compté pour beaucoup dans cette originalité de la Résistance française : son unité solide, par-delà les clivages idéologiques et les différences stratégiques.
Contrairement aux idées reçues, et largement véhiculées par les médias, les communistes n’ont pas attendu l’entrée en guerre de l’Union soviétique pour s’engager dans le conflit.
Tout d’abord, beaucoup des militants communistes, entrés dès 1940 dans la Résistance, avaient combattu de 1936 à 1938 dans les brigades internationales pour défendre la jeune République espagnole alors que le gouvernement socialiste de Blum prônait la non-intervention laissant Franco et Hitler museler le pays.
Le 10 juillet 1940 Maurice Thorez et Jacques Duclos lançaient un appel à la résistance au peuple Français. Cet appel disait : « "Notre pays connait maintenant les terribles conséquences de la politique criminelle suivie par les gouvernements indignes, responsables de la guerre, de la défaite, de l'occupation... La France encore toute sanglante veut vivre libre et indépendante, jamais un grand peuple comme le nôtre ne sera un peuple d'esclaves... C'est dans le peuple que résident les grands espoirs de libération nationale et sociale et c'est seulement autour de la classe ouvrière, ardente et généreuse, pleine de confiance et de courage que peut se constituer le front de la liberté, de l'indépendance et de la renaissance de la France".
A l'automne 1940, le Parti constitue l'O.S (organisation spéciale) qui comprend surtout des militants communistes. Les actes de sabotage s'étendant, surtout dans les entreprises et à la S N C F... Cette simple évocation permet de mesurer combien l'appel du 10 juillet a été un moment exceptionnel pour l'engagement des communistes dans la résistance.
Fin 1942-début 1943, naissent les glorieux F.T.P. Fer de lance de la résistance armée, leur exemple a constitué un facteur d'entraînement. La Jeunesse communiste, qui a donné tant de héros - dont le Colonel Fabien ou Guy Moquet, - a tenu une place exceptionnelle dans la bataille.
Les militants communistes sont de tous les combats et sont traqués. Je prendrai deux exemples qui concernent directement notre commune.
Le premier est Eugène Alliot qui fut Maire communiste de Mériel de 1977 à 1980. Eugène Alliot est venu habiter à Mériel en 1925, tout près d’ici, rue des Rosiers. Eugène Alliot était un cheminot qui s’est rapidement engagé dans le syndicalisme et dans le Parti Communiste qui venait de se constituer. Il a payé très cher ce double engagement puisqu’à l’époque les délégués syndicaux ne bénéficiaient d’aucun statut et le patronat et l’encadrement des grandes sociétés n’hésitaient pas à les persécuter. Il a pris rapidement des responsabilités dans ces deux organisations. Son engagement politique lui a valu d’être arrêté pendant la guerre, par les autorités de Vichy et d’être enfermé de 1941 à 1944 dans divers camps d’internement dont celui de Pithiviers.
Après son retour de captivité, Eugène Alliot a une activité politique intense, en 1947 il est élu député, puis Conseiller général du canton de l’Isle Adam sur deux mandatures en 1945 et 1958. A l’origine, le quartier de Bois du Val où nous nous trouvons se composait surtout de résidences secondaires, mais à la fin des années cinquante les résidences principales sont devenues majoritaires et il était devenu nécessaire de créer une école pour les enfants du quartier. Dans le cadre de son mandat de conseiller général, Eugène Alliot a œuvré pour que cette école soit créée, et cela justifie pleinement qu’elle porte son nom. Il décède en 1988.
Les deuxièmes personnalités de la Résistance en lien avec Mériel peuvent sembler plus surprenante, et pourtant …. . Il s’agit de Missak Manouchian et Joseph Epstein. Missak Manouchian, Arménien, communiste, est le héros de « l’Affiche rouge » et l’un des responsables des FTP-MOI (Francs tireurs et partisans- Main d’œuvre immigrée). Joseph Epstein, Polonais, communiste, est le chef des FTP en région parisienne. Les deux seront fusillés au Mont Valérien. Ils nous rappellent le rôle joué par les immigrés, « ces étrangers et nos frères pourtant », dans la Résistance pour que vive la France. Revenons-en à Mériel, Les policiers Français, qui collaborent avec ardeur, suivent depuis quelques temps Manouchian. Je cite le rapport de police : «  Le 28 septembre 1943. Manouchian sort de son domicile à 10 heures 30 et prend le métro à Alésia pour descendre à la gare du Nord ; son train étant vraisemblablement parti, il déjeune à la terrasse d'un café voisin de la gare ; à 12 heures 05, il prend le train et descend à 13 heures 10 à la gare de Mériel dans l'Oise. A la sortie de la gare, il rencontre un homme. Ils circulent ensemble, et, sur la route de L'Isle-Adam, ils pénètrent dans le café-restaurant Majestic, sis à cet endroit. Ils s'enfoncent dans les bois sous une pluie battante ; nous sommes, pour ne pas éveiller leur méfiance, obligés de cesser la surveillance ». Cet homme rencontré par Manouchian n’est autre que Joseph Epstein. En attendant de connaitre sa véritable identité, les policiers et les Allemands le surnommeront « Mériel ». Je fais donc la demande – auprès de la municipalité et aux habitants de notre ville - pour que dans le quartier de la gare qui va voir le jour, une rue porte le nom de Missak Manouchian et une autre celle de Joseph Epstein.
Afin que l’on oublie pas ! Afin que l'on oublie jamais !
A une époque où les migrants sont poursuivis ou meurent dans la Méditerranée, où le Maire de Béziers fiche les enfants des écoles, où les acquis sociaux du Conseil National de la Résistance sont mis à mal par les gouvernements successifs, deux ans après l’assassinat de Clément Méric par des fascistes, les valeurs de la Résistance et de la République doivent être mises en avant. Lorsque le Front national, parti raciste, xénophobe et réactionnaire, fait 32% aux dernières élections sur notre ville, lorsqu’on encourage, par la mise en place de « Voisins solidaires ou vigilants », la surveillance entre citoyens, on s’écarte des idéaux de vivre ensemble et d’égalité portés par les Résistants.
Heureusement, les victoires de Syriza en Grèce et de Podemos en Espagne nous donnent espoir. Je vous appelle à venir ce week-end à République au Forum européen des alternatives où nous travaillerons à la construction d’une alternative aux politiques libérales, bien plus proche de celle qu’envisageaient ceux qui sont tombés sous les balles allemandes ou des collaborateurs français. 
L'histoire montre que le Parti communiste a été la force décisive pour le progrès social et démocratique. Il a tenu avec honneur, courage et lucidité toute sa place dans la résistance. Animés par cette riche histoire, avec toute notre conviction, nous travaillons à le renforcer, à le rendre toujours plus efficace au service de notre peuple. A l'exemple de ses vétérans et des camarades de la résistance, toutes générations confondues, nous faisons nôtre la dernière pensée de notre camarade, assassiné en 1941 par les nazis, le député communiste d’Argenteuil-Bezons, Gabriel Péri : "Et si c'était à refaire, je referais ce chemin".
Oui, ensemble, construisons un autre chemin !



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